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  • Juliette & Iseult

"Sortir d'une vision productiviste du travail"

Récemment, nous avons assisté à une conférence qui s'intitule, “pour sortir d'une vision productiviste du travail”.

Après notre article sur la semaine de 4 jours, on s’est dit que ça ne pouvait qu’être passionnant, et on n’a pas été déçues !


La conférence s’organise en deux temps, d’abord deux auteurs et une modératrice ont exploré le sujet et tenté de répondre à la question “Peut-on sortir d’une vision productiviste du travail?”. Puis, deux autres intervenants sont venus présenter leurs témoignages.


Céline Marty, enseignante et philosophe du travail, a écrit Travailler moins pour vivre mieux Guide pour une philosophie antiproductiviste et, à ses côtés, Jean-Philippe Decka, ancien entrepreneur et auteur de l’ouvrage, Le courage de renoncer Le difficile chemin des élites pour bifurquer vers un monde durable.


La discussion s'amorce sur la définition du mot travail.


C’est vrai qu’appelle-t-on travail ? Au-delà de mon CDI, si je cuisine pour toute ma famille et m'occupe de toutes les tâches ménagères ne serait-ce pas du travail ? Mais alors se faire à manger pour soi serait aussi considéré comme du travail ?


Pour Kant, la notion de travail est indissociable de la notion d’effort, Marx ajoute la notion productiviste.

Mais revenons à notre conférence, Céline Marty donne une définition assez simple, le travail est une activité instrumentale pour satisfaire nos besoins.


Mais alors, quid du travail domestique ou associatif ?

"Les célibataires ne font pas de travail domestique puisque ça ne bénéficie pas à autrui"

L’autrice complète sa définition en s’appuyant sur les travaux de Christine Delphy, les célibataires ne font pas de travail domestique puisque ça ne bénéficie pas à autrui.


Maintenant que l’on a posé les bases de la notion de "travail", il faut quand même s’atteler à la définition de la productivité. Les deux auteurs sont plutôt d’accord pour l’expliquer comme un ratio entre ce qui est produit divisé par la quantité de travail pour le produire.



Mais, dans un monde fini comme le nôtre, impossible de ne pas se demander comment peut-on concilier une approche productiviste et la préservation de nos écosystèmes ?


Et puis ce n’est pas seulement une histoire d’écologie, moins d’infirmières pour les mêmes soins ce sont des soins moins bien faits, pourquoi voudrait-on cela ?


Céline nous offre une explication en plusieurs temps pour expliquer l’importance du travail dans nos vies et nos sociétés, elle s’appuie sur les écrits de Mireille Bruyère :

  1. La croyance que le travail est un vecteur d'émancipation, j’ai un travail donc je suis occupée, et je me réalise. On sort du péril de l’oisiveté, ne rien faire c’est mal, il faut occuper les gens oisifs à tout prix car sans ça ils pourraient se rebeller contre le pouvoir en place.

  2. La pression sociale autour du travail, si tu ne travailles pas, tu es souvent perçu comme quelqu’un qui profite.

  3. Enfin, bien évidemment, la contrainte financière.


Bon, on travaille parce qu’on n’a pas trop le choix en somme, mais est-ce qu’on est vraiment obligés de travailler autant ?


Pour Jean-Philippe, c’est aussi un moyen de contrôle, le temps libre c’est l’obstacle à notre société de contrôle. Marx disait “le travail est la meilleure des polices”.




On ne va quand même pas tous arrêter de travailler… Comme l’explique Céline Marty, nous avons un ensemble de corvées collectives (ramassage d’ordures, production d’électricité, entretien des infrastructures…) et pour sortir d’une vision productiviste le tout est de s’accorder sur ces besoins et d’y répondre. Ainsi, moins travailler c’est réduire le superflus et moins détruire notre environnement.


Ce qui est en jeu c’est aussi le contenu du travail, il faut définir ce qui est utile pour limiter ce coût écologique. Le Covid a été un rappel douloureux des métiers vraiment nécessaires “les premières lignes”. Jean-Philippe nous fait un rappel des 9 limites planétaires dont 6 ont été dépassées en 2022…



D'après une étude de Cadremploi menée auprès de 1123 personnes, 1 cadre sur 2 indique avoir déjà fait un burn out. Les cadres qui sont censés avoir une situation plus enviable que les employés sont donc la moitié à partir en dépression à cause de leur travail ! Ce désenchantement du travail touche tout le monde et la planète aussi.


Mais sortir d’une vision productiviste c’est aussi remettre en cause tout le fondement du capitalisme néolibéral et la question d’entreprendre ou d’agir. Si je dois travailler seulement pour satisfaire les besoins de la société et sans toucher aux limites planétaires, alors je ne vais pas me lancer dans n’importe quelle aventure entrepreunariale.


Mais comment définir nos besoins ? A quoi ressembleraient nos emplois utiles?


Les auteurs nous parlent de l’ouvrage Le Manifeste Travail: Démocratiser, démarchandiser, dépolluer, de Isabelle Ferreras, Julie Battilana et Dominique Méda.


L’objectif : Démarchandiser le travail, pour protéger certains secteurs des seules lois du marché, mais aussi garantir à chacun l’accès à un travail qui lui permette d’assurer sa dignité.


C’est aussi réduire son temps de travail pour être moins dépendant du marché. Avoir plus de temps pour cuisiner, faire mon ménage et c'est donc moins de dépenses sur Deliveroo.

Je réduis ma dépendance au marché.

C’est aussi revaloriser les services publics et ne pas appliquer une productivité arbitraire à leur travail.

Enfin, c'est faire confiance aux travailleurs et rendre aux travailleurs leur pouvoir de décider.




Après cette première partie riche en information, Sophie Lawson de Mam’Akoya un restaurant traiteur solidaire et éco-responsable qui a transformé les talents culinaires de femmes éloignées de l'emploi en travail salarié vient nous livrer un témoignage intéressant sur comment rendre le pouvoir aux travailleuses.


Chez Mam’Akoya, le menu c’est en fonction du savoir-faire des femmes qui cuisinent. Tu sais faire une recette, lance-toi ! Pas besoin d’imposer un menu à reproduire, on s’appuie sur l’employée et c’est elle qui décide ce qu’elle cuisine.


C’est ensuite Armand Blondeau qui vient nous parler de Printemps écologique, un écosyndicat qui face à l’urgence climatique et sociale, outille et représente les travailleuses et les travailleurs qui souhaitent accélérer la transformation écologique et sociale de leur entreprise et par la même manière la société.


Pour lui, le syndicat c’est un moyen de politiser l’entreprise et de passer d’un modèle dictatorial (le chef a toujours raison) à un modèle démocratique. Mais, aujourd’hui, seulement 7% des travailleurs sont syndiqués, c’est très peu.


Après toutes ces discussions, on a eu envie d’en savoir plus sur les syndicats et sur Printemps écologique, alors tenez-vous prêts pour la suite et prenez le pouvoir !



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