top of page
  • Photo du rédacteurIseult

Et si on questionnait la "valeur travail" ? - avec Manuel

J’ai rencontré Manuel Carroué fin octobre 2022. Manuel est très engagé sur Linkedin et j’avais vu passer beaucoup de ses posts sur le rapport au travail et la semaine de 4 jours. Depuis quelque temps, il travaille sur la semaine de 4 jours pour accompagner les entreprises qui veulent sauter le pas. Par ailleurs, Manuel est consultant en gestion du temps et organisation. Il intervient notamment auprès de freelances pour"éviter qu’ils bossent tout le temps” et pour les aider à mieux organiser leurs tâches. Il est également formateur en entreprise.

Étant engagées dans une démarche de recherche sur les temps de travail atypiques en entreprise chez Make It Work, il fallait qu’on lui parle !


Dès le début de notre échange, Manuel m'explique : “la valeur travail a tendance à m’énerver”.

C'est assez logique puisqu'une de ses missions cachées est de “faire en sorte que le travail obligatoire soit aboli”. De quoi-parle-t-on ? Il distingue 3 types de travail :

  • Obligatoire : celui qui te rémunère, que tu ne ferais pas s'il n'était pas rémunéré. En clair : pour payer les factures.

  • Volontaire : celui qui t'apporte de l'épanouissement, que tu fais juste par plaisir de le faire. Par exemple : le travail associatif ou encore les développement de logiciels open-source.

  • Reproductif : celui qui permet la production et la reproduction des forces de travail. Il s'agit donc des tâches ménagères, de s’occuper des enfants...

J’avais envie de questionner Manuel sur sa vision de la notion de travail, de la réduction du temps de travail et du mythe stakhanoviste à la sauce Linkedin.


Let’s go!

Déjà le travail, c’est pas le monde qu’on m’avait vendu quand j’étais gamin. Quasiment tous les boulots que j’ai eus avant de faire ce que je fais étaient des bullshits jobs, tu t’occupes pour faire traîner la tâche le plus possible. Par exemple, une tâche qui prend moins de 5 jours, dans certains jobs, les gens ne travailleront pas moins parce qu’ils l’ont finie avant, ils feront en sorte qu’elle s’étale sur 5 jours.

Du coup, j’ai un peu ce côté “anti travail” et sur Linkedin, le côté “le travail c’est ma passion” m’énerve un peu.

Je pense que changer ce mindset, ça passe par ne plus complexer quand on arrête de travailler, ne serait-ce qu’une heure. Plus globalement, quand tu travailles un jour de moins par semaine tu redécouvres tes passions.

Pendant mon enfance et mon adolescence, j'ai vu mes parents, mes grand-parents travailler tout le temps. J’ai été élevé dans ce climat de “il faut travailler dur pour réussir”.

Ce sacrifice permanent pour le boulot, je trouvais ça malsain mais je me disais que c’était comme ça et que le week-end était fait pour profiter de la vie.


C'est au moment de rentrer dans le monde du travail que je me suis dit “il faut que je change quelque chose c’est pas possible de faire comme ça” (NDLR : Cette volonté de changement c'est aussi la genèse de Make It Work !). C’est pour ça que je me suis intéressé à la productivité, par besoin personnel de travailler moins et de faire tenir en moins d’heures ce que j’avais à faire. J’ai aussi appliqué cette logique à mes projets personnels.


Ensuite, je me suis rendu compte que si, pour moi, bien gérer son temps était devenu évident, ça ne l’était pas pour tout le monde. Cette injonction à remplir des heures vient du fait que le fonctionnement des entreprises actuelles est calqué sur le monde industriel.

Je pense qu’il y a bien sûr beaucoup de facteurs. Il y a notamment :

  • L’éducation : c’est comme ça qu’on t’apprend à travailler, à l’école quand tu as fini en avance on te dit “passe à l’exercice suivant” si tu mets moins de temps tu dois t’occuper, il faut toujours combler le trou.

  • L’identité : on a fusionné l’individu avec son travail. Techniquement, pour certains jobs, on a les outils, on pourrait travailler uniquement 5h par jour ou juste le matin. Mais il y a ce côté "si tu veux t’élever socialement, il faut travailler dur". C’est vrai qu’on met rarement dans la même phrase “ambition” et “travailler moins”!

De plus, la réduction du temps de travail serait pertinente en matière d'écologie. On parle beaucoup de consommer autrement, travailler moins ce serait intéressant aussi.

"En matière d'écologie, on parle beaucoup de consommer autrement, travailler moins serait intéressant aussi"

Pour les temps partiels c'est intéressant parce que si je veux travailler sur deux projets qui m’éclatent, j’aimerais bien pouvoir le faire. Ça demanderait aux entreprises d’être plus compétitive sur les projets qu’elles donnent à leurs employés parce qu’ils ont moins de temps pour réaliser les projets en question.

J’ai un peu de mal avec le discours travail passion. Sur Linkedin, il y a un énorme biais, il s’agit essentiellement de cadres, qui sont donc un peu plus passionnés par leur travail que la population générale.

Quand je vois le discours "trouve un métier passion et tu n’auras pas à travailler un seul jour de ta vie”, ça m’énerve. La notion de passion, c’est ça qui peut mener au burnout.

J'ai travaillé dans le cinéma et j'ai constaté que c’était vraiment ce mécanisme. Sous couvert de “métiers passion” et couplé à “beaucoup d’appelés peu d'élus”, on arrive à un vrai moyen de pression.

Idéalement, ce serait 28h étalées sur 4 jours (NDLR : quand on prend pour base les 35h, pour les cadres c'est un peu différent). Il est vrai que ça dépend de l’entreprise, certaines veulent faire 35h en 4 jours, d’autres 32h en 4 jours et d’autres encore 28h en 4 jours. C’est vraiment du sur-mesure.

En ce qui concerne la semaine de 4 jours avec le même nombre d’heures, ça peut être un peu trompeur car en réalité les salariés travaillent le même nombre d’heures. Mais en faisant le même nombre d’heures réparties sur 4 jours, tu n’as quand même pas la charge mentale du travail sur un jour supplémentaire. Tu profites de ton week-end de trois jours à fond.


Et pour l'implémentation ?

Il y a des aspects juridiques et organisationnels. Sur les aspects juridiques, pour les salariés concernés par les 35h, il peut y avoir des nouvelles règles pour les RTT et les heures supplémentaires. Il y a aussi des modifications à effectuer côté retraite pour que la réduction du temps de travail ne pénalise pas les salariés.

Il y a 3 à 4 mois de préparation en amont avec les équipes RH. Souvent, on propose de passer à 4 jours et les équipes voient entre elles si elles peuvent effectivement réduire la durée de travail ou rester à 35h.

Une fois que tout le monde dans l'entreprise est d'accord, et que juridiquement c’est cadré, on teste le pilote pendant 3 ou 6 mois.

Le plus compliqué c’est le côté organisationnel !


J'ai adoré discuté avec Manuel. Avec Make It Work, on aime beaucoup refaire le monde du travail lors d'échanges avec des personnes passionnantes. Ce que je retiens principalement de l'échange avec Manuel c'est le fait de toujours questionner la valeur travail et le travail passion. La pression que l'on se met en général au travail est rarement nécessaire.

Posez-vous la question : est-ce que vous avez réellement besoin de travailler autant ? Qu'est ce qui apporte de la valeur et qu'est ce qui n'est que du remplissage de temps ?

Sur ces sujets de rapport au temps, n'hésitez pas à regarder nos vidéos et articles sur les entreprises néerlandaises BvdV et The Rookie Minds, les salariés y font la semaine de 4 jours et sont autonomes quant à la gestion de leur temps.


Sur la semaine de 4 jours, Manuel poste régulièrement sur Linkedin, n'hésitez pas à le suivre ! À bientôt !



Comments


bottom of page